L’art de prendre des photos pouvant être considérée comme une œuvre de l’esprit protégeable par le droit d’auteur. Pensez-vous qu’un photographe peut opposer son droit d’auteur pour refuser la destruction d’une photo ?

SIGNAN Essowèdeou

En droit communautaire, notamment dans le cadre de l’OAPI1, le droit d’auteur protège les œuvres de l’esprit dès leur création, sans nécessité de dépôt ou de formalité spécifique. Ainsi, un photographe, en tant qu’auteur, peut invoquer son droit d’auteur pour s’opposer à la destruction de son œuvre. Cependant, le droit à l’image et la protection des données personnelles peuvent prévaloir, surtout sur internet, où la diffusion d’images peut être soumise à des réglementations strictes en matière de vie privée et de données sensibles. Il est donc essentiel de trouver un équilibre entre les droits d’auteur et le respect de la vie privée des individus photographiés.


ALLONS PLUS LOIN

Au Togo, la protection de la vie privée liée au droit à l’image se fonde principalement sur l’autorisation de la personne concernée. En effet, l’utilisation de l’image d’une personne nécessite son autorisation expresse et spéciale. Sans cette autorisation, il est en principe interdit d’utiliser l’image d’une personne.2

Le Code de la propriété intellectuelle stipule que le droit d’auteur protège « toutes les œuvres de l’esprit »3 pourvu qu’elles possèdent un « caractère original »4. Cependant, la loi ne définit pas explicitement ce caractère original, laissant aux juges le soin d’interpréter cette notion. Les tribunaux ont établi que pour être protégée, une œuvre doit manifester un effort créatif et des choix esthétiques qui expriment la personnalité de l’auteur. Cette interprétation ouverte peut malheureusement conduire à des revendications abusives de droits d’auteur, créant une zone d’incertitude préjudiciable à la liberté des individus.

Le droit à l’image confère à une personne un contrôle exclusif sur l’utilisation de son image, lui permettant de refuser sa diffusion sans son consentement. Lorsqu’un individu autorise l’usage de son image pour un but précis, il ne peut normalement pas s’opposer à cet usage spécifique. Toutefois, si l’image est exploitée dans un cadre différent de celui consenti, le droit à l’image peut être exercé pour contester cette utilisation. Sans consentement, l’utilisation non autorisée de l’image d’une personne identifiable peut constituer une infraction à ce droit.5

Les tribunaux concilient les droits concurrents en considérant l’intérêt public, le contexte de la photo et les attentes raisonnables des parties. Par exemple, si une personne accepte d’être photographiée dans un contrat, son consentement peut être limité à ce contexte précis. Ainsi, si le cocontractant demande la destruction de la photo, le photographe ne peut pas invoquer son droit d’auteur pour s’y opposer.

Quelques exemples de décisions judiciaires qui privilégient le droit d’auteur au droit à l’image, lorsque le droit à l’information est primordial ou lorsque la personne n’est pas suffisamment identifiable.

  1. La Cour de cassation, le 27 février 2007, a rejeté le pourvoi dans l’affaire 06-10.3936 impliquant la publication d’un entretien révélant la naissance de l’enfant d’Albert de Monaco. La Cour a jugé que la révélation de la paternité concernait la vie publique et était justifiée par le droit à l’information, malgré l’atteinte à la vie privée
  2. La Cour de cassation, Chambre civile 1, a confirmé le 5 avril 20127 l’arrêt de la cour d’appel de Paris qui a rejeté les demandes de Mme X. La Cour a jugé que l’utilisation de la photographie de Mme X par la société Tereos n’était pas une atteinte à son droit à l’image car la personne représentée était insusceptible d’identification.

Cependant, lorsqu’un photographe prend une photo de nu d’une personne identifiable, il doit respecter les droits de la personnalité, notamment le droit à l’image, au nom et au respect de la vie privée. Si un contrat a été conclu avec la personne photographiée, ses termes doivent être respectés, notamment concernant la diffusion ou l’utilisation de l’image. L’utilisation de l’image sans consentement peut constituer une atteinte à la vie privée. Le photographe doit équilibrer son droit d’auteur avec les droits de la personne photographiée. Le contrat et le respect de la vie privée peuvent primer sur le droit d’auteur d’une œuvre artistique en photographie.

En résumé, bien que le photographe puisse opposer ses droits d’auteur pour refuser la destruction d’une photo, les droits à l’image des personnes identifiables dans la photo doivent également être pris en compte. Dans certains cas, cela peut entraîner un conflit juridique complexe entre les droits d’auteur et les droits à l’image, nécessitant une évaluation minutieuse des circonstances spécifiques pour parvenir à une résolution équitable.


  1. OAPI – Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle ↩︎
  2. Article 368 du Code Pénal Togolais: Constitue une violation de l’intimité d’une personne, le fait :
    1) de publier ou de diffuser des papiers ou enregistrements privés, un dessin, une 
    photographie, un film ou tout autre support reproduisant l’image de cette personne 
    sans son accord ou celui de ses ayants droit
    ↩︎
  3. L’Accord de Bangui Révisé dans l’Annexe VII traitant de la propriété littéraire et artistique; Article 3 : « L’auteur de toute œuvre originale de l’esprit, jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa
    création d’un droit de propriété incorporelle, exclusif et opposable à tous » [..] ↩︎
  4. Toujours dans l’Annexe VII de l’Accord de Bangui, Article 4 : [..] « qui sont des créations intellectuelles originales dans le
    domaine littéraire, artistique ou scientifique » […] ↩︎
  5. Droit à l’image : définition, analyse juridique et recours (exprime-avocat.fr) ↩︎
  6. Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 27 février 2007, 06-10.393, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr) ↩︎
  7. Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 5 avril 2012, 11-15.328, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr) ↩︎
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